Le film explore les derniers mois de la vie de George Orwell et revisite son œuvre visionnaire, notamment « 1984 ». À travers documents et analyses, Raoul Peck décrypte les origines des concepts révélés par Orwell et leur résonance troublante dans le monde contemporain, interrogeant notre rapport à la vérité et à la manipulation.
« J’ai tout lu et relu à la lumière d’aujourd’hui en me demandant ce qui tenait encore, et plus j’avançais plus j’étais estomaqué par la force et la clarté de sa pensée et la manière dont elle résonne dans le monde actuel. Par exemple, ce passage de 1984 où le héros Winston raconte le film qu’il vient de voir où un bateau de réfugiés est bombardé. Il y a des enfants à bord. Une grosse femme qui peut-être est juive. Le bateau prend feu. Il décrit ce que nous voyons tous les jours à la télévision. […] Et quand il décrit les mécanismes et les comportements d’un régime autoritaire, on a presque trop d’images à notre disposition pour illustrer ces propos, Giorgia Meloni, Javier Milei, Donald Trump, etc. Le choix est gigantesque. Le plus difficile est de ne pas se laisser emporter et de respecter la rigueur de la pensée d’Orwell. Et de tenir le récit. Je ne voulais, par exemple, surtout pas faire un film sur Trump alors qu’il vous donne des images à profusion. On pourrait faire dix films avec lui. Mais il nous fallait trouver les images précises qui collent à la parole d’Orwell et nous permettent d’aborder ce qui sous-tend l’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021. […] Tout le monde le connaît, mais de manière superficielle. Depuis l’élection de Trump, on fait sans cesse allusion à 1984 et à son anticipation d’un monde totalitaire. […] L’adjectif « orwellien » revenait sans cesse, dans les informations, pour décrire le monde d’aujourd’hui. J’avais d’autant plus envie de fuir les clichés et de revenir à la source de son écriture. Il ne faut pas oublier qu’il a longtemps été utilisé et détourné de son propos.
Raoul Peck, extrait de l’entretien avec Laurent Rigoulet, Télérama, 20 mai 2025.
