France, 1908. Dans la maison bourgeoise des Boisvaillant, deux femmes que tout sépare, Victoire, l’épouse, et Céleste, la jeune bonne, défient les conventions et les non-dits.
Jérôme Bonnell transpose avec finesse le roman Amours de Léonor de Récondo dans la France provinciale de 1908, époque marquée par des hiérarchies sociales rigides et une morale patriarcale étouffante. Dans cette maison bourgeoise, Victoire, épouse d’un notaire, et Céleste, jeune bonne, vivent sous le même toit, séparées par leur condition mais bientôt réunies par une intimité inattendue. Lorsque Céleste tombe enceinte des suites des assauts d’André, le maître de maison, la solution imposée par les convenances consiste à faire passer l’enfant pour celui du couple légitime. Ce mensonge social, loin d’effacer la violence, devient le point de départ d’un lien secret entre les deux femmes, une alliance silencieuse qui interroge les frontières du désir, du pouvoir et de la maternité.
Le film explore avec subtilité les tensions entre domination masculine et solidarité féminine, dans un contexte où le corps des femmes est soumis au silence et à la réappropriation. Galatéa Bellugi prête à Céleste une fragilité qui n’exclut jamais la force, tandis que Louise Chevillotte incarne une Victoire traversée par la honte, le désir, puis une volonté protectrice qui la transforme. Leurs scènes communes, d’abord marquées par la gêne, évoluent vers une complicité profonde, dans un cinéma de l’implicite où les gestes et les regards disent plus que les mots.
Swann Arlaud, dans le rôle d’André, compose un personnage ambigu, à la fois dominateur et vulnérable, reflet d’une virilité blessée par les injonctions du patriarcat. Le réalisateur choisit de ne pas en faire un monstre, mais un homme déformé par son époque, incapable de gérer sa frustration et son impuissance.
La mise en scène, sobre et précise, capte les textures des intérieurs bourgeois, les lumières changeantes, les silences éloquents. Plans serrés et compositions feutrées accompagnent la montée des tensions et des désirs. Dans ce huis clos historique, Jérôme Bonnell fait entendre une colère sourde, une tendresse contenue, et la légitimité des amours interdites.
La Condition révèle, dans les creux du récit, la force de celles qui résistent aux conventions, et la modernité d’un regard qui interroge les fondements d’une société patriarcale.
Références : www.lebleudumiroir.fr/critique-la-condition/
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Jérôme Bonnell
Réalisateur et scénariste français, né en 1977, Jérôme Bonnell étudie le cinéma à l’université Paris VIII avant de réaliser son premier court-métrage, Fidèle (1999), amorçant sa collaboration avec Nathalie Boutefeu. À 23 ans, il signe son premier long, Le Chignon d’Olga (2002), remarqué à Chicago. Il enchaîne avec Les Yeux clairs (Prix Jean-Vigo 2005), J’attends quelqu’un (2007), La Dame de trèfle (2010) et Le Temps de l’aventure (2013), présenté à Tribeca. Son cinéma, à la fois délicat et introspectif, explore les liens affectifs et les silences de l’intime. En 2015, il réalise À trois on y va, puis Chère Léa (2021). En 2025, il adapte Amours de Léonor de Récondo dans La Condition.
Fiche du film
Réalisation
Année
Durée
Date de sortie française
Scénario
Jérôme Bonnell
Programmé au festival
2025Interprètes
Galatea Bellugi (Céleste), Louise Chevillotte (Victoire), Swann Arlaud (André), Emmanuelle Devos (la mère d’André)
Image
Montage
Couleurs
Production
Distributeur
Musique
Son
Costumes
Décors
D'après
Amours de Léonor de Récondo
