La Chine rouge en noir et blanc
À travers le portrait du cinéaste et graveur chinois Hu Jie, ce film explore la mémoire refoulée des tragédies du Grand Bond en avant et de la Révolution culturelle. Par ses estampes en noir et blanc, Hu Jie redonne visage aux victimes oubliées de l’histoire officielle.
« Avec des moyens technique et financiers extrêmement réduits, Hu Jie enregistre et restitue depuis vingt ans les témoignages de ceux qui ont vécu le maoïsme, bien souvent des personnes âgées et marquées. Sans cette entreprise, combien de ces voix, de ces vies, seraient à tout jamais perdues, oubliées ? La solitude de cet artiste et activiste est double : il travaille seul, aidé uniquement par sa femme, compagne fidèle et soutien financier nécessaire, mais à cette solitude de la fabrication s’ajoute celle de la diffusion, car en Chine, ses films ne peuvent être montrés sinon de façon très confidentielle et risquée. Filmer et réaliser ses films en artisan solitaire garantit bien sûr à l’artiste une totale indépendance » rappelle l’historienne Anne Kerlan (in Le cinéma documentaire de Hu Jie : pour une contre-histoire de la Chine maoïste). Hu Jie, originaire de Nankin, est en effet reconnu pour ses documentaires percutants sur la famine du Grand Bond en avant et les atrocités de la Révolution culturelle. Parallèlement, il est un maître de la gravure sur bois, s’inspirant de la tradition expressionniste de Käthe Kollwitz, popularisée en Chine par Lu Xun. Dans ce portrait de graveur, Hu Jie recrée des scènes poignantes de crimes organisés contre le peuple chinois. Le film propose ainsi un va et vient entre l’œuvre du documentariste à travers de nombreux extraits (notamment de À la recherche de l’âme de Lin Zhao, 2004 ou de Ne pleurez pas sur mon cadavre, 2006) et celle de l’artiste au travail ou éclairant ses gravures de commentaires oscillant entre l’analyse des symboles et les rappels des faits historiques. Un artiste courageux à l’œuvre protéiforme qui nous révèle les souffrances passées et cachées du peuple chinois, entre témoignages bouleversants et gra-vures expressionnistes à l’éloquence fantastique.
Pendant le Festival, une sélection de 22 gravures de Hu Jie (extraites de l’exposition « La Chine rouge en noir et blanc ») sera proposée dans le hall du cinéma.

