J’accuse

Polanski a choisi, pour cette affaire judiciaire historique, la voie du classicisme. Mais un classicisme qui s’affranchit de tous les pièges du film à costumes, de dialogues un peu trop écrits. Un classicisme qui donne au film toute sa limpidité et toute sa force. Le parti pris scénaristique, issu du fameux livre de Robert Harris (An Officer and a Spy), est de suivre l’enquête du lieutenant-colonel Picquard, convaincu, preuves à l’appui, de l’innocence d’Alfred Dreyfus. On assiste ainsi à un véritable thriller politique particulièrement bien mené réussissant dans le même temps à dresser le portrait d’une France minée par l’antisémitisme mais où le sens de l’État et de la justice peut résister avec ténacité. Le film, produit par la Gaumont, a les moyens de ses ambitions et c’est un vrai plaisir que de retrouver un film français avec une telle ampleur visuelle. Le casting est irréprochable. Jean Dujardin maîtrise un jeu carré, solide, sans effets inutiles. Derrière, c’est un véritable défilé de pointures, souvent dans des seconds rôles : Louis Garrel (Dreyfus), Emmanuelle Seigner, Mathieu Amalric, Denis Podalydès, Melvil Poupaud, Gregory Gadebois, Vladimir Yordanoff… Le dernier film cinéma français consacré à Dreyfus date de 1899 et fut réalisé par George Méliès ! Heureusement Yves Boisset avait tourné un remarquable téléfilm en 1995 sur un scénario de Jorge Semprun. De nombreux sites internet se croient aujourd’hui obligés de préciser à propos du film de Polanski, « inspiré d’une histoire vraie », c’est dire s’il était temps de porter à l’écran « l’affaire ». – François Aymé