Fruit d’une enquête menée entre l’Europe et l’Amérique latine, le film révèle comment les méthodes de guerre contre- insurrectionnelle élaborées pendant la guerre d’Algérie furent exportées par l’armée française aux dictatures sud- américaines.
Pour ces militaires, confrontés au Vietnam ou en Algérie à des guerres révolutionnaires « où le front n’existe plus », où l’ennemi peut se fondre au sein de la population, l’important est d’abord de « reconstituer » – à tout prix – les réseaux ennemis : appareil de renseignement adapté, tortures, pouvoirs de police confiés à l’armée, cette « expertise » est transmise aux militaires sud-américains lorsque ceux-ci doivent écraser dans le sang les oppositions de gauche. Les anciens militaires argentins ou chiliens, interrogés, confirment l’influence française dans la formation de leurs hommes : influence du livre du colonel Trinquier, La Guerre moderne, considéré comme un véritable manuel d’instruction, celle des images du film La Bataille d’Alger reconstituant de façon précise, de l’avis des Français, ce qu’est une guerre révolutionnaire ; ou les méthodes violentes – tortures, exécutions – dont certains se sont faits les spécialistes : prisonniers balancés en mer depuis des avions, méthode portant le triste nom de « crevettes Bigeard ». Ces méthodes appliquées par les dictatures, sont sanglantes : de 1976 à 1982, 30 000 personnes « disparaissent » pour la seule Argentine. Si certains militaires d’Amérique du Sud témoignent du rôle qu’ont pu exercer les conseillers français, ces derniers – à l’exception du général Aussaresses – se montrent beaucoup moins loquaces. Et personne – mis à part certaines victimes – ne veut s’interroger sur la collaboration passive des services secrets français dans les opérations antisubversives menées à l’échelon international, comme l’opération « Condor », responsable de l’arrestation de nombreux opposants en exil.
Marie-Monique Robin a également publié le livre Escadrons de la mort, l’école française (La Découverte, 2004).
